La revue de l’évidence scientifique

5 avril 2006

La revue de l’évidence scientifique par les groupes d’experts : règles de l’art

 

Les procédures et règles suivies par les instances d’expertise nationales et internationales pour faire le point sur l’état des connaissances scientifiques concernant l’existence d’un danger en relation avec un agent environnemental sont brièvement présentés ici. Bien qu’il existe certaines variantes selon les pays et les institutions, les principes de base sont les mêmes.

 

Les acteurs

L’activité de « revue de l’évidence scientifique » est un exercice collectif. Il implique des scientifiques choisis par l’organisme d’expertise (le plus souvent une instance publique spécialisée) sur un ensemble de critères dont les deux plus importants sont leur excellente connaissance du sujet (attestée par leurs publications scientifiques) et la complémentarité de leurs spécialités (car les questions traitées sont le plus souvent étudiées selon des méthodes et avec le concours de disciplines scientifiques variées : toxicologie, épidémiologie, physique – approches et disciplines elles-mêmes subdivisées en diverses spécialités selon le sujet – etc).

 

Les critères de sélection

Ces groupes d’experts commencent par établir une liste qui se veut la plus exhaustive possible des travaux publiés sur la question. Le plus souvent, il est explicitement précisé que ne sont considérés que les articles publiés dans des revues dites «à comité de lecture», c’est-à-dire qui sélectionnent les articles après une évaluation de leur qualité par des spécialistes du sujet. Cette règle est importante et vise à rassembler un matériau qui répond à un minimum de critères de qualité. Ces travaux sont d’abord analysés individuellement, la solidité de leurs résultats étant jugée en regard de la rigueur des méthodes mises en œuvre et décrites par les auteurs.

 

Le poids de l’évidence

Puis, et cela est l’essence de cette activité collective, l’ensemble des informations ainsi produites est appréhendée, selon une démarche d’appréciation du « poids de l’évidence ». Par cela, les experts sous pèsent les différents arguments en faveur de l’hypothèse d’un danger, et les arguments en défaveur. Aucun résultat n’est considéré de manière isolée. C’est la cohérence des différents résultats – ou leur incohérence – qui conduit le groupe d’experts à conclure sur la vraisemblance de cette hypothèse. Seront ainsi très convaincantes des études épidémiologiques différentes concluant de manière similaire, appuyées par des travaux expérimentaux chez l’animal (plusieurs espèces animales, de préférence), et pour lesquels des études biologiques sur cultures de cellules par exemple apportent des éléments explicatifs des mécanismes en jeu. De telles situations ne sont pas la règle et des conclusions moins assurées sont parfois avancées. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé, au travers de son agence spécialisée sur le cancer (le Centre International de Recherche sur le Cancer, CIRC, implanté à Lyon) classe-t-elle les substances ou mélanges étudiés en « cancérogènes certains » (classe 1), « probables » (classe 2A) et « possibles » (classe 2B), ou en substances « non classables pour leur cancérogénicité » (en l’état des connaissances du moment) (classe 3). Ces conclusions sont donc amenées à évoluer avec l’accumulation de connaissances nouvelles et cette « revue de l’évidence » est généralement conduite de manière périodique. Bien entendu, elle ne le sera pas chaque fois qu’un nouvel article est publié, car c’est un travail qui mobilise des ressources très importantes.

 

Réponses politiques

Il revient alors aux instances administratives et politiques concernées de porter un jugement sur les mesures qui peuvent être prises. Ce jugement est porté à la fois en fonction de la solidité des conclusions des groupes d’experts et en prenant en considération les diverses implications des mesures envisageables. La décision relative à ce qu’il est convenu d’appeler « la gestion du risque » relève de la responsabilité de l’instance administrative compétente, sous couvert de son autorité politique.

 

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